Le « puissant » producteur de rap P. Diddy, a secoué l’industrie musicale par l’accusation d’une série d’agressions sexuelles et de comportements criminels. Il y a encore quelques mois nous assistions au procès Pélicot, miroir d’un patriarcat ordinaire.
Deux salles, une ambiance, qui nous rappelle que le patriarcat n’épargne aucun milieu. La violence frappe à tous les étages.
Dans le cadre du procès Pélicot, cinquante co-accusés auront comparu devant la cour criminelle du Vaucluse pour viol. Ils ont entre 26 et 74 ans, sont retraités, plombiers, électriciens, boulangers, chauffeurs routiers, correspondant de presse, infirmier, barman, bénévole des restaurants du cœur, surveillant de prison. Ils sont des maris, des fils, des pères, des frères, des amis insérés dans la société. Cinquante hommes ordinaires qui se sont autorisés à violer une femme. Ils sont aussi ordinaires que la culture du viol l’est car le viol est un crime de masse, un crime systémique. Ils sont des violeurs ; ils sont la société.
En France, 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année. Ce chiffre ne recouvre pas toutes celles qui ne franchiront pas les portes d’un commissariat par crainte des représailles. La masculinité a assigné la mise à disposition du corps des femmes réduite à l’état d’objet. L’homme violent n’est pas l’autre, n’est pas un monstre, il est le banal produit de la domination masculine.
En 2019, Adèle Haenel affirme dans l’émission Mediapart : « Les monstres ça n’existe pas. C’est notre société. C’est nous, nos amis, nos pères. Il faut regarder ça. On n’est pas là pour les éliminer, mais pour les faire changer ».
Les violences sexistes et sexuelles sont des actes de guerre. Comme les régimes totalitaires dont l’idéologie permet la censure par le règne de la terreur. Comme s’il s’agissait de tirer leur force — leur masculinité — d’une puissance imaginaire. A leur volonté de dominer s’impose l’impossible altérité.
A cause de la domination. A cause de la violence sociale. Parce que c’est l’idéologie de la force, de la masculinité qui s’est introduite en eux. Les agresseurs sont des purs produits du patriarcat. Parce qu’ils sont restés piégés dans le récit de la domination masculine. Parce que la violence s’est imposée à eux et qu’ils l’ont exercée à leur tour car « il n’y a qu’une seule émotion dont le patriarcat valorise l’expression chez les hommes : c’est la colère. Les vrais hommes piquent de folles colères. Et leur folie quel que soit le degré de violence ou d’abus, est considérée comme naturelle – comme une expression positive de la masculinité patriarcale (…) la colère est le meilleur refuge pour qui cherche à dissimuler sa souffrance ou son angoisse. », explique Bell Houks[1].
Peut-être sont-ils eux aussi des survivants ? Hantés par leur passé, ils auraient enfoui leur détresse, car il serait au-delà de leur force d’accepter la douloureuse réalité ? Peut-être luttent-ils chaque jour pour garder séparés deux mondes ? Pour ne pas franchir le cloisonnement entre l’enfant victime et l’adulte tout-puissant. Peut-être ont-ils été endoctrinés par la pensée patriarcale, condamnés à nier leurs sentiments alors ils auraient appris à dissimuler leur chagrin ? A se « déconnecter » de la souffrance par l’indifférence et la rage, ils se seraient confectionné le masque de la survie : la violence.
Nous ne devons pas leur tourner le dos, nous ne pouvons pas les exclure du débat public. Nous devons mener cette lutte avec les hommes car il nous faut les regarder en face et leur dire la vérité des souffrances partagées.
Nous devons croire à une guérison des agresseurs blessés par le patriarcat. Nous devons protéger les victimes en prenant en charge leurs agresseurs. C’est en tissant les liens d’une société inclusive que nous pourrons comprendre la construction de la violence.
[1] La volonté de changer. Les hommes, la masculinité et l’amour, éditions divergences, 2021
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